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MARIELLE MACÉ

La page Marielle Macé sur Lieux-dits

ANDREAS MALM
Avis de tempête

Nature et culture dans un monde qui se réchauffe

Marx écrit que c'est seulement avec l'avènement de la société bourgeoise "que la nature devient un pur objet pour l'homme, une pure affaire d'utilité; qu'elle cesse d'être reconnue comme une puissance pour soi ; et même la connaissance théorique de ses lois autonomes n'apparaît elle-même que comme une ruse visant à la soumettre aux besoins humains, soit comme objet de consommation, soit comme moyen de production."

"À quoi ressemblerait réellement le progrès dans l'état de réchauffement? Adorno écrit : « Le progrès est cette résistance à la régression à chaque étape, non le consentement à son ascension continue. » « Car en réalité, le progrès ne signifie aujourd'hui rien d'autre que prévenir et empêcher la catastrophe totale. » En un sens, on pourrait donc dire que « le progrès a lieu là où il finit. » Dans l'état de réchauffement, aller de l'avant et progresser à nouveau nécessitera d'opérer dans le même temps un retour en arrière dans certains domaines : un retour aux énergies non fossiles, à de plus faibles concentrations de C02 et, le cas échéant, à un monde sans géo-ingénierie. Un pas en arrière, deux pas en avant : telle sera la valse contre les forces qui grossissent la tempête."

JORGE MAJFUD
L'audace de la critique

Traduction de l'espagnol (Uruguay) de Pierre Trottier, Fausto Guidice, Estelle et Carlos Debiasi

"J’ai toujours pensé que le phénomène des communications, avait mis en relief, à un niveau critique, une obsession historique ou naturelle de l’humanité pour la communication. Quelque chose de pareil à l’impulsion des insectes dans la nuit, qui tournent autour du feu et vont mourir en se brûlant eux mêmes. Enfin, les gens parlent et écrivent, en grande partie, non parce qu’ils ont quelque chose d’important ou de crucial, à dire, mais pour le seul fait, le plaisir ou la nécessité de se sentir en contact, du romancier au médecin ou au mécanicien.
Tout ceci semblerait être quelque chose de très humain : la communion serait le climax de cette impulsion de communication.
[...] Dans ce monde, l’autre s’est multiplié de façon exponentielle et la communion a été proportionnellement diluée avec n’importe qui. L’autre est moins sujet et plus objet, depuis le moment où je peux, comme individu, décider quand l’éliminer. C’est-à-dire à chaque instant je suis protégé par la conscience ou la perception que l’autre ne menacera pas mon espace individuel par une visite inconfortable dont je ne peux pas me défaire. Ainsi, l’autre est sous contrôle. Les jeunes hommes et le vieux étaient là, communiquant avec quelqu’un d’autre, avec beaucoup d’autres, mais leur espace vital, leur individualité étaient protégés par un simple bouton (qui n’est même pas un bouton) capable d’éliminer la présence de l’autre, capable de le mettre entre parenthèse ou de le renvoyer à un temps ultérieur, un temps du calendrier qui dépend de l’individu - isolé-qui-se-communique."

"L’Amérique latine fut un haut lieu de la pensée critique et de la science sociale “pratique” au moins jusqu’aux années 1980. Ensuite, les dictatures militaires et les revers de la démocratie, le remplacement des traditions européennes par l’académie étasunienne ainsi que le rôle déterminant des organismes multilatéraux dans la production du savoir face à l’appauvrissement progressif des universités ont dépouillé la pensée d’une quelconque prétention critique ou – pis encore – de sa prétention à changer le monde."Constanza Moreira


"Si nous visitions aujourd’hui la page de notre chère Université de la République de l’ Uruguay, nous lirons une attitude typique de notre histoire qui s’exprime par des euphémismes : “La population de l’Uruguay est d’origine européenne, surtout espagnole et italienne, sans le préjudice d’autres nationalités, produit d’une immigration à portes ouvertes. Il existe également une présence réduite de la race noire qui est arrivée au pays en provenance des côtes africaines, durant la période de domination espagnole. Quant à la population indigène, il y a plus d’un siècle que les derniers indiens ont disparu de tout le territoire national, ce qui différencie la population de l’Uruguay de celle des autres pays Hispano-américains ...”
La population indigène n’a pas “disparu”; (1) ils ont usurpé leurs terres et ils ont assassinés tous ceux qu’ils ont pu, au nom de la civilisation et (2) n’ont pas disparu comme nous voulons le croire, ils sont là, mélangé d’une certaine manière dans notre sang et niés par notre culture, comme l’étaient les arabes et les juifs niés par l’Espagne impériale, qui a ainsi organisé sa propre décadence.
Bien qu’on ne nous l’a jamais dit à l’école, et qu’on ne le mentionne pas dans la culture publique, le soleil sur notre drapeau, comme celui sur le drapeau argentin, n’est rien d’autre que l’ Inti, le soleil des incas, dans son dessin et dans son origine, sans parler en détail de notre espagnol qui est plein de structures et de mots quechuas, guaranís etc.
Pour sa part, la population noire n’est pas “arrivée” en tourisme sur ce continent, sinon par le biais de la violence de l’enlèvement, par la violence physique et morale. La violence physique est terminée, mais la violence morale continue et nous devrions ajouter, la “violence culturelle”. Plus grave encore, si la violence physique cicatrise souvent rapidement; ce n’est pas aussi facile en ce qui concerne la violence morale comme le démontre la psychologie et l’histoire des peuples. "

"D’accord : Les trois cent ans d’une colonisation monopolistique, rétrograde et fréquemment brutale ont pesé lourd sur le continent latino-américain, ce qui a consolidé dans l’esprit de nos peuples une psychologie réfractaire à toute légitimation sociale et politique (Alberto Montaner a appelé à cette caractéristique culturelle “la légitimité suspecte originale du pouvoir”). "

"Ils se trompent, d’un autre côté, ceux qui croient que ces horreurs ne vont pas se répéter à l’avenir. Cela a été cru par l’humanité depuis des temps antérieurs aux Césars. Depuis ces temps l’impunité ne les pas empêchées: elle les a promues, complice d’une lâcheté ou de la complaisance d’un présent apparemment stable et d’une morale apparemment confortable. "


HENRI MALDINEY
Art et existence

Esthétique de l'abstraction

....besoin qui se manifeste comme l'essence profonde et dernière de toute vie esthétique : le besoin de se dessaisir de soi...

Ce qui domine chez les peuples de haute culture de l'Antiquité, conscients, plus encore que les peuples primitifs, de la confusion et du jeu changeant des phénomènes et chez qui le malaise de l'irrationnel et du contingent ne précède pas mais suit au contraire la connaissance, c'est, dit A. Riegl, un immense besoin de repos. Ils aspirent à échapper au flux de la vie universelle qui s'entretient de la mort des vivants. Le bonheur qu'ils éprouvent à l'œuvre d'art et qu'ils exigent d'elle ne consiste pas à «s'immerger dans les choses du monde extérieur pour jouir d'eux-mêmes en elles mais à arracher la chose individuelle de ce monde à son arbitraire et à sa contingence apparente, à l'éterniser en la rapprochant des formes abstraites et à trouver de cette manière un point de repos dans la fuite des phénomènes».


HENRI MALDINEY
L'ART, L'ECLAIR DE L'ETRE

Chute d'eau, arête de montagne, branche d'arbre ou fumée, toutes en voie d'elles-mêmes: la genèse d'une forme est un événement qui se transforme en lui-même. Cette transformation plénière, cette mutation de soi à soi suppose le vide. Et le vide est la «ressource» de la forme en formation. Son rythme fondateur comporte des moments critiques, où, menacés de s'anéantir dans la faille, elle est mise en demeure ou de disparaître ou d'exister à l'avant de soi.

AMIN MAALOUF
Le naufrage des civilisations

"Je garderai toujours en mémoire ce qui s’est passé en septembre 1982, au lendemain des massacres perpétrés dans les quartiers de Sabra et de Chatila, près de Beyrouth. Des miliciens libanais, appartenant à une faction chrétienne, s’étaient acharnés sur des civils palestiniens avec la complicité active de l’armée israélienne. Il y avait eu, selon certaines estimations, plus de deux mille morts.
Le monde entier était indigné, les Occidentaux autant que les Arabes, mais c’est dans les rues de Tel-Aviv qu’il y avait eu la protestation la plus massive et la plus significative. On a parlé de quatre cent mille manifestants, plus d’un Israélien sur huit.
Même ceux qui étaient outrés par le comportement des autorités et des troupes ne pouvaient qu’admirer l’attitude de la population juive. Protester contre le tort qui est fait à soi-même et aux siens est légitime et nécessaire, mais ne dénote pas forcément une grande élévation morale ; protester avec virulence contre le tort que les siens ont fait aux autres révèle, en revanche, une grande noblesse, et une remarquable conscience morale. Je ne connais pas beaucoup de peuples qui auraient réagi ainsi.
Hélas, une mobilisation massive pour une telle cause est aujourd’hui inconcevable en Israël. Ce qui représente, sur le plan éthique, une indéniable perte d’altitude. "

« On a dit, au crépuscule du XXe siècle, que le monde serait désormais marqué par un « affrontement entre les civilisations », et notamment entre les religions. Pour désolante qu’elle soit, cette prédiction n’a pas été démentie par les faits. Là où on s’est lourdement trompé, c’est en supposant que ce « clash » entre les différentes aires culturelles renforcerait la cohésion au sein de chacune d’elles. Or, c’est l’inverse qui s’est produit. Ce qui caractérise l’humanité d’aujourd’hui, ce n’est pas une tendance à se regrouper au sein de très vastes ensembles, mais une propension au morcellement, au fractionnement, souvent dans la violence et l’acrimonie."

 



"D’où l’immense frustration que j’éprouve aujourd’hui quand je médite sur le destin de mon continent d’adoption. Bien sûr, l’Union s’est construite, elle s’est étendue, et elle représente un immense progrès par rapport à l’époque antérieure. Mais c’est un édifice fragile, inachevé, hybride, et qui se retrouve à présent violemment ébranlé.
Je dis « hybride », parce que les pères fondateurs n’ont pas su choisir entre les deux voies qui s’offraient à eux : celle d’une véritable union, pleine et irréversible, à l’instar de celle des États-Unis d’Amérique ; ou celle d’une simple zone de libre-échange. Ils ont voulu croire que cette décision pourrait être prise plus tard. Mais elle ne le pouvait pas. Ce sur quoi on aurait pu s’entendre à six ou à neuf, on ne peut le décider à vingt-sept ou vingt-huit. Pas si l’on doit le faire à l’unanimité, comme c’est le cas aujourd’hui pour toutes les décisions fondatrices.
À vrai dire, on a fait preuve à la fois d’un excès de démocratie, en accordant à chaque État un droit de veto, ce qui interdisait toute avancée audacieuse en direction d’une véritable union ; et d’un déficit de démocratie, en choisissant de confier le pouvoir à Bruxelles à des commissaires nommés par les États, plutôt qu’à un gouvernement européen directement élu par les citoyens de l’Union.
Des peuples ayant une longue pratique de la démocratie ne peuvent se reconnaître dans des dirigeants qui n’ont pas reçu l’onction d’un vote populaire. "

STEPHANE MANCUSO
L'intelligence des plantes

Phytobiologiste, Stefano Mancuso compte aujourd’hui parmi les scientifiques les plus remarquables dans le domaine des recherches assez récentes, et encore quelque peu controversées, sur l’« intelligence végétale ». De nombreux spécialistes du monde végétal ont beau qualifier cette expression de tendancieuse ou d’excessive, dès que l’on définit l’intelligence, en termes très simples, comme la faculté de résoudre les problèmes posés par la vie, il devient impossible de la dénier aux plantes.

"Chaque année, des milliers d’espèces dont nous ne savons rien disparaissent et, avec elles, on ne sait quelles ressources. Si nous prenons davantage conscience que les plantes sont dotées de sens, de capacités de communication, de mémorisation, d’apprentissage et de résolution de problèmes, nous en viendrons peut-être un jour à les juger plus proches de nous, et nous aurons ainsi l’occasion de les étudier et de les protéger avec une efficacité accrue. "

BERNARD MANDEVILLE (1670-1733)
Recherche sur la nature de la société

"Nous nous apercevons facilement qu'aucune société n'aurait pu jaillir des vertus aimables et des qualités aimantes de l'homme, mais qu'au contraire toutes les sociétés ont nécessairement eu leur originedans ses besoins, ses imperfections et ses divers appétits. Nous verrons également que plus l'orgueil et la vanité s'y déploient et plus les désirs s'y étendent, plus les hommes sont nécessairement capables de s'élever à l'état de grandes et très populeuses sociétés."

NASTASSJA MARTIN
croire aux fauves

"Car je fus, pendant un temps, garçon et fille, arbre et oiseau, et poisson perdu dans la mer." Empédocle, De la nature, fragments.

"Ce jour-là, le 25 août 2015, l’événement n’est pas : un ours attaque une anthropologue française quelque part dans les montagnes du Kamtchatka. L’événement est : un ours et une femme se rencontrent et les frontières entre les mondes implosent. Non seulement les limites physiques entre un humain et une bête, qui en se confrontant ouvrent des failles sur leur corps et dans leur tête. C’est aussi le temps du mythe qui rejoint la réalité ; le jadis qui rejoint l’actuel ; le rêve qui rejoint l’incarné."

  OSCAR MARTINEZ
Les morts et le journaliste

Traduction de l’espagnol (Salvador) de René Solis

"Tellement de journalistes l’ont dit. Notre travail ne consiste pas à être à l’endroit indiqué à l’heure indiquée. Ça, c’est le boulot des livreurs de pizzas ou des trains. Notre travail ne se limite pas à dire des choses. Notre travail implique d’autres verbes : comprendre, douter, raconter, expliquer, dévoiler, révéler, affirmer, questionner. Aucun de ces verbes ne saurait se contenter de ce qui sort de la bouche d’un policier après un “affrontement”. Mais tellement de gens semblent l’accepter comme une chose tellement normale."

 " J’aimerais faire du journalisme qui change des choses. Mais personne n’est en prison à cause de ce qui est arrivé à Rudi et ses frères, ni pour ce qui est arrivé au fils de Consuelo, et presque tous les politiques sur lesquels j’ai révélé des affaires de corruption ou des pactes avec des pandillas sont toujours en place, ou ont trouvé asile dans le pays d’un petit dictateur quelconque. Il est clair pour moi qu’une enquête journalistique a beau être intelligente, multiplier les preuves et soigner son style pour les présenter, il n’y a aucune certitude que quelque chose de ce que j’ai mentionné change. Et pourtant, pour résumer, j’aimerais bien faire chier des gens et en rendre visibles d’autres.
Et donc cela fait plusieurs années que j’ai décidé d’arrêter de me torturer avec ce que je veux pour me poser la question de ce que je peux. Le problème étant que là non plus je n’ai pas trouvé la réponse idéale. J’ai beaucoup aimé ce qu’a dit Hersh à San Salvador : “Nous pouvons faire un bien énorme si nous ne lâchons pas l’histoire. Tu ne peux pas les obliger (les dirigeants politiques) à ce qu’ils fassent les choses correctement, mais tu peux faire en sorte qu’il soit très compliqué pour eux de faire les choses incorrectement.” La formule m’a enthousiasmé. Si on ne peut pas changer les choses en totalité, tu peux au moins rendre difficile qu’elles suivent leur cours, et finir par parvenir à ce que peut-être elles changent un peu. "

MICHELA MARZANO

La page Michela Marzano sur lieux-dits

 

FRANCESCO MASCI
L'Ordre règne à Berlin

"La grande apostasie culturelle a voulu tour à tour oublier, effacer et puis transformer le réel mais n'a su qu'offrir au sujet le loisir d'une liberté imaginaire et moralement déterminée. Aujourd’hui, pour la première fois, à l'échelle d'une ville entière, la promesse faite par la culture absolue de régler ses comptes avec le réel a été assouvie. La contingence des événements remplace alors la nécessité politique du 'lieu', l'ordre du nomos. À Berlin ce n'est plus seulement l'individu, mais une ville entière qui s'est égarée dans un domaine surinvesti par le narratif, laissant l'Histoire succomber à la quiétude infinie de la culture. Après avoir hanté les villes d'Occident, en se contentant de jouir de sa liberté fictive dans les interstices d'un réel duquel il avait, de toute manière, disparu comme unité significative, l'individu semble avoir trouvé sa cité idéale. Seulement, la ville où il a élu sa demeure n'existe plus."


Berlin est une ville entrée en apesanteur. Elle n'est plus aujourd'hui que le pôle sentimental d'un pèlerinage culturel alimenté par un folklore de la révolte et de la création. Jadis au cœur même de la guerre civile européenne qui a traversé la première partie du XXe siècle et qui y a laissé ses plus profondes blessures, Berlin est devenue l'avant-poste d'une capitulation généralisée à la fiction de l'individu autonome comme "forme abstraite toute prête", structure qui pourrait endosser tous les contenus. La subjectivité fictive a trouvé là l'environnement idéal aux épanchements festifs de son ego hypertrophié. C'est ici que la culture absolue, avec sa production d'événements interchangeables, a fini par se substituer entièrement à la densité politique du territoire, à ses contradictions, à ses oppositions latentes.


 La culture absolue est un flux ininterrompu d'images et événements, dans lequel les différences entre morale et économie, public et privé, responsa­bilité et jouissance sont entièrement effacées. Elle garde sur le monde de la technique qui lui sert d'environnement la supériorité que lui confère sa plasticité. La culture est totali­sante, autoréflexive et ne saurait connaître de ratés. La cadence de son régime de production est tout ce qui compte, les matériaux qui le nourrissent lui sont indifférents.


FRANCESCO MASCI
entertainment!

"Ici, la liberté a pris la place de la contrainte physique, mais cette liberté est payée au prix d'une totale inconsistance du monde vécu."

"Le pouvoir perd sa relation verticale avec ses sujets, et commence à se diffuser de manière horizontale, d'évènement en évènement. Au lieu d'intervenir sur un monde rigidement divisé, il porte la division en soi."

"De la promesse et du culte de la nouveauté de la culture à la pure attente et au principe d'indifférence de l'entertainment, le passage du temps continue à laisser, comme le veut une vieille chanson, des vies vides qui attendent d'être remplies. C'est de cette attente même qu'elles se remplissent désormais."

entertainment: anglais, de l'ancien français entretenement , de s'entretenir avec soi.
amusement, distraction, détente, spectacle amusant.


FRANCESCO MASCI
Superstitions

la culture façonne, par toutes ses expressions, une pratique de l'obéissance. Je l'identifie à la superstition, cette invention résolument moderne, qui doit être comprise comme une abêtissante contrainte interne à croire que quelque chose doit être vrai. Ce sont donc des actes de croyance qui la constituent. La culture ne se manifeste jamais sous forme d'objets mais d'événements. Mais qu'est-ce que l'événement ? L'événement n'est rien, sinon une excroissance rhétorique du temps, l'occasion de jouir, comme d'un bien consommable, des possibles pris dans le présent. Dans l'événement, la menace de l'inattendu que contient le futur est réduite à néant. Et ce néant se reproduit à une vitesse extraordinaire, parce que la superstition, qui a besoin de toujours se manifester, ne manque jamais de forme.

VALERIE MASSON-DELMOTTE, CHRISTOPHE CASSOU
Parlons climat en 30 questions

" Le système climatique est constitué de l’atmosphère (couche gazeuse enveloppant la Terre), la lithosphère (sol, croûte terrestre), l’hydrosphère (mers et océans, rivières, nappes et réservoirs profonds), la cryosphère (banquise, neige, glaciers continentaux, calottes polaires, lacs et rivières gelés, sols gelés ou pergélisol*) et la biosphère (organismes vivants). Ces milieux échangent en permanence, mais de manière variable et sous différentes formes, de l’énergie, de l’eau, des substances minérales et organiques (ex. : le carbone).
Les masses d’air se mélangent à l’échelle planétaire en quelques mois. L’océan de surface interagit avec l’atmosphère à toutes les échelles de temps (du jour à plusieurs décennies). Les courants marins dus à la rotation de la Terre, à la forme géographique des bassins océaniques, aux vents, mais aussi à la densité de l’eau de mer qui dépend de sa température et salinité, assurent en plusieurs centaines d’années les échanges entre les deux hémisphères, et entre la surface et les eaux profondes. La cryosphère et la lithosphère peuvent stocker de l’eau et du carbone pendant des milliers à des millions d’années. L’ensemble est modulé par les perturbations du bilan énergétique de la planète, que certains processus physiques (dits de rétroaction) peuvent amplifier ou stabiliser. "



"Environ 2 400 milliards de tonnes (Gt) de CO2 ont été émises par les activités humaines depuis 1850, dont environ le tiers sur les 20 dernières années (2000-2019). Pour la seule année 2019, on relève ~ 40 Gt provenant à 89 % de la combustion des énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz naturel), le reste (11 %) étant lié à l’effet net des changements d’usages des terres (en particulier la déforestation). Les émissions de CO2 ont baissé temporairement (~ 5,5 %) en 2020 du fait de la pandémie de covid-19 (ralentissement industriel, baisse des transports) mais ont déjà rebondi de 5 % en 2021. "

ACHILLE MBEMBE
Critique de la raison nègre

"D’un bout à l’autre de son histoire, la pensée européenne a eu tendance à saisir l’identité non pas tant en termes d’appartenance mutuelle (co-appartenance) à un même monde qu’en termes de relation du même au même, de surgissement de l’être et de sa manifestation dans son être d’abord, ou encore dans son propre miroir. Il importe en revanche de comprendre que, conséquence directe de cette logique de l’autofiction, de l’autocontemplation, voire de la clôture, le Nègre et la race n’ont jamais fait qu’un dans l’imaginaire des sociétés européennes. Désignations primaires, lourdes, encombrantes et détraquées, symboles de l’intensité crue et de la répulsion, leur apparition dans le savoir et le discours moderne sur l’« homme » (et par conséquent sur l’« humanisme » et sur l’« humanité ») a été sinon simultanée, du moins parallèle."

"En réduisant le corps et l’être vivant à une affaire d’apparence, de peau et de couleur, en octroyant à la peau et à la couleur le statut d’une fiction d’assise biologique, les mondes euro-américains en particulier auront fait du Nègre et de la race deux versants d’une seule et même figure, celle de la folie codifiée. "

" Pour la première fois dans l’histoire humaine, le nom Nègre ne renvoie plus seulement à la condition faite aux gens d’origine africaine à l’époque du premier capitalisme (déprédations de divers ordres, dépossession de tout pouvoir d’autodétermination et, surtout, du futur et du temps, ces deux matrices du possible). C’est cette fongibilité nouvelle, cette solubilité, son institutionnalisation en tant que nouvelle norme d’existence et sa généralisation à l’ensemble de la planète que nous appelons le devenir-nègre du monde. "

"Or, si l’État sécuritaire conçoit l’identité et le mouvement des individus (ses citoyens y compris) comme sources de dangers et de risques, la généralisation de l’usage des données biométriques comme source d’identification et d’automatisation de la reconnaissance faciale vise davantage encore la constitution d’une nouvelle espèce de la population prédisposée à l’éloignement et à l’enfermement50. C’est ainsi que, dans le contexte de la poussée antimigratoire en Europe, des catégories entières de la population sont indexées, puis soumises à diverses formes d’assignation raciale. Celles-ci font du migrant (légal ou illégal) la figure d’une catégorie essentielle de la différence51. Cette différence peut être perçue comme culturelle ou religieuse, voire linguistique. Elle est supposée s’inscrire dans le corps même du sujet migrant où elle se donne à voir sur les plans somatique, physionomique, voire génétique. "


" Par ailleurs, le propre de la race ou du racisme est de toujours susciter ou engendrer un double, un substitut, un équivalent, un masque, un simulacre.Un visage humain authentique est convoqué à la vue. Le travail du racisme consiste à le reléguer à l’arrière-fond ou à le recouvrir d’un voile. À la place de ce visage, l’on fait remonter des profondeurs de l’imagination un fantôme de visage, un simulacre de visage, voire une silhouette qui, ce faisant, prennent la place d’un corps et d’un visage d’homme. Le racisme consiste dès lors, avant tout, à substituer à cela qui est quelque chose d’autre, une autre réalité. Puissance de détournement du réel et fixateur d’affects, il est également une forme de dérangement psychique, ce par quoi le matériel refoulé remonte brutalement à la surface. Pour le raciste, voir un Nègre, c’est ne pas voir qu’il n’est pas là ; qu’il n’existe pas ; qu’il n’est que le point de fixation pathologique d’une absence de relation. La race, il nous faut donc la considérer comme étant à la fois un en deçà et un au-delà de l’être. Elle est une opération de l’imaginaire, le lieu de la rencontre avec la part d’ombre et les régions obscures de l’inconscient. "

"Pour le reste, le racisme et la phobie des autres sont des phénomènes largement partagés. La logique raciste suppose un fort degré de bassesse et de stupidité. Comme l’indiquait Georges Bataille, elle implique également une forme de lâcheté – celle de l’homme qui « donne à quelque signe extérieur une valeur qui n’a d’autres sens que ses craintes, sa mauvaise conscience et le besoin de charger d’autres, dans la haine, d’un poids d’horreur inhérent à notre condition » ; les hommes, ajoutait-il, « haïssent, autant qu’il semble, dans la mesure où ils sont eux-mêmes haïssables ."( Georges BATAILLE, Œuvres complètes. XII, Articles 2. 1950-1961)

" Le projet d’un monde commun fondé sur le principe de l’« égalité des parts » et sur celui de l’unité fondamentale du genre humain est un projet universel. Ce monde-à-venir, on peut déjà, si on le voulait, en lire des signes (fragiles il est vrai) dans le présent. L’exclusion, la discrimination et la sélection au nom de la race demeurent par ailleurs des facteurs structurants – bien que souvent niés – de l’inégalité, de l’absence de droits et de la domination contemporaine y compris dans nos démocraties. De plus, on ne peut pas faire comme si l’esclavage et la colonisation n’avaient pas eu lieu ou comme si les héritages de cette triste époque avaient été totalement liquidés. À titre d’exemple, la transformation de l’Europe en « forteresse » et les législations anti-étrangers dont s’est doté le Vieux Continent en ce début de siècle plongent leurs racines dans une idéologie de la sélection entre différentes espèces humaines que l’on s’efforce tant bien que mal de masquer."

" Sur ce chemin, les nouveaux « damnés de la terre » sont ceux à qui est refusé le droit d’avoir des droits, ceux dont on estime qu’ils ne doivent pas bouger, ceux qui sont condamnés à vivre dans toutes sortes de structures d’enfermement – les camps, les centres de transit, les mille lieux de détention qui parsèment nos espaces juridiques et policiers. Ce sont les refoulés, les déportés, les expulsés, les clandestins et autres « sans-papiers » – ces intrus et ces rebuts de notre humanité dont nous avons hâte de nous débarrasser parce que nous estimons qu’entre eux et nous il n’y a rien qui vaille la peine d’être sauvé puisqu’ils nuisent fondamentalement à notre vie, à notre santé et à notre bien-être. Les nouveaux « damnés de la terre » sont le résultat d’un brutal travail de contrôle et de sélection dont les fondements raciaux sont bien connus. "

"C’est donc l’humanité tout entière qui confère au monde son nom. En conférant son nom au monde, elle se délègue en lui et reçoit de lui confirmation de sa position propre, singulière mais fragile, vulnérable et partielle, du moins au regard des autres forces de l’univers – les animaux et les végétaux, les objets, les molécules, les divinités, les techniques, les matériaux, la terre qui tremble, les volcans qui s’allument, les vents et les tempêtes, les eaux qui montent, le soleil qui éclate et brûle et ainsi de suite. Il n'y a donc de monde que par nomination, délégation, mutualité et récipricité.
Mais si l’humanité tout entière se délègue elle-même dans le monde et reçoit de ce dernier confirmation de son être propre aussi bien que de sa fragilité, alors la différence entre le monde des humains et le monde des non-humains n’est plus une différence d’ordre externe. En s’opposant au monde des non-humains, l’humanité s’oppose à elle-même. Car, finalement, c’est dans la relation que nous entretenons avec l’ensemble du vivant que se manifeste, en dernière instance, la vérité de ce que nous sommes."

"Mais, comme on le voit dans une partie de la critique nègre moderne, la proclamation de la différence n’est qu’un moment d’un projet plus large – le projet d’un monde qui vient, d’un monde en avant de nous, dont la destination est universelle, un monde débarrassé du fardeau de la race, et du ressentiment et du désir de vengeance qu’appelle toute situation de racisme. "

MAURICE MERLEAU-PONTY
La structure du comportement

"Le sens du travail humain est donc le reconnaissance, au-delà du milieu actuel, d'un monde de choses visible pour chaque Je sous une pluralité d'aspects, la prise de possession d'un espace et d'un temps indéfinis, et l'on montrerait aisément que la signification de la parole ou celle du suicide et de l'acte de révolution est la même. Ces actes de la dialectique humaine révèlent tous de la même essence : la capacité de s'orienter par rapport au possible, au médiat, et non par rapport à un milieu limité."

JEAN-CLAUDE MICHÉA
Le loup dans la bergerie

"Au rythme où progresse le brave new world libéral synthèse programmée de Brazil, de Mad Max et de l'esprit calculateur des Thénardier , si aucun mouvement populaire autonome, capable d'agir collectivement à l'échelle mondiale, ne se dessine rapidement à l'horizon (j'entends ici par «autonome» un mouvement qui ne serait plus soumis à l'hégémonie idéologique et électorale de ces mouvements «progressistes» qui ne défendent plus que les seuls intérêts culturels des nouvelles classes moyennes des grandes métropoles du globe, autrement dit, ceux d un peu moins de 15 % de l humanité), alors le jour n'est malheureusement plus très éloigné où il ne restera presque rien à protéger des griffes du loup dans la vieille bergerie humaine. Mais n'est-ce pas, au fond, ce que Marx lui-même soulignait déjà dans le célèbre chapitre du Capital consacré à la «journée de travail» ? «Dans sa pulsion aveugle et démesurée, écrivait-il ainsi, dans sa fringale de surtravail digne d'un loup-garou, le Capital ne doit pas seulement transgresser toutes les limites morales, mais également les limites naturelles les plus extrêmes.» Les intellectuels de gauche n'ont désormais plus aucune excuse."


JEAN-CLAUDE MICHEA
Le Complexe d'Orphée
La gauche, les gens ordinaires et la religion du progrès

"On songe à Orwell écrivant que « rejeter le socialisme sous prétexte qu'il compte en son sein tant de piètres personnages est aussi inepte que de refuser de prendre le train parce que le contrôleur a une tête qui ne vous revient pas » (Le Quai de Wigan).


Semblable au pauvre Orphée, le nouvel Adam libéral est condamné à gravir le sentier escarpé du «Progrès» sans jamais pouvoir s'autoriser le moindre regard en arrière. Voudrait-il enfreindre ce tabou - «c'était mieux avant» - qu'il se venait automatiquement relégué au rang de beauf ; d'extrémiste, de réactionnaire, tant les valeurs des gens ordinaires sont condamnées à n'être plus que l'expression d'un impardonnable «populisme». C'est que gauche et droite ont rallié le mythe originel de la pensée capitaliste : cette anthropologie noire qui fait de l'homme un égoïste par nature. La première tient tout jugement moral pour une discrimination potentielle, la seconde pour l'expression d'une préférence strictement privée. Fort de cette impossible limite, le capitalisme prospère, faisant spectacle des critiques censées le remettre en cause. Comment s'est opérée cette double césure morale et politique ? Comment la gauche a-t-elle abandonné l'ambition d'une société décente qui était celle des premiers socialistes ? En un mot, comment le loup libéral est-il entré dans la bergerie socialiste ?

ANDRE MICOUD
Des Hauts-Lieux
La construction sociale de l'exemplarité

De façon immémoriale, mais pour des raisons qui restent encore bien énigmatiques, les hommes attachent à certains lieux des effets quasi magiques. D'autres - qui croient que les effets sont toujours à rapporter à des causes physiques - mettent en avant des raisons d'ordre tellurique. Dans cet ouvrage, les auteurs se posent d'autres questions. Que figurent de tels lieux ? Que s'y donne-t-il à voir, à parcourir, à toucher : un événement à commémorer, un exemple à suivre, un futur à espérer ? Autour de tels lieux, toujours construits socialement, les hommes célèbrent des affinités.
Au moment où les changements sociaux affectent toutes les représentations, toutes les certitudes et toutes les identités, certains lieux, comme des emblèmes, servent à rassembler des croyants.
Il se pourrait bien que de telles vertus n'aient pas échappé à ces techniciens du "faire-croire" dont la fonction est aujourd'hui de construire de nouveaux "corps sociaux". De ces "lieux pour l'exemple" - zones expérimentales, réalisations exemplaires, circonscriptions exceptionnelles..., - que les gestionnaires multiplient à l'envie, il est attendu qu'ils produisent de l'adhésion. Là où, avec l'adhésion, la fascination se profile, il importe que la critique ne fasse pas défaut.

 

PANKAJ MISHRA
L'Age de la colère
Une histoire du présent

"Rousseau soutenait que les êtres humains ne vivent ni pour eux-mêmes ni pour leur pays dans une société commerçante où la valeur sociale se calque sur la valeur monétaire ; ils vivent pour la satisfaction de leur vanité, ou amour-propre : le désir de s’assurer la reconnaissance des autres, d’être estimés d’eux autant que de soi-même."

 "La guerre endémique et la persécution ont fait de soixante millions de personnes des sans-abri, un chiffre encore jamais atteint. Une misère sans fin pousse de nombreux Sud-Américains, Asiatiques et Africains désespérés à entreprendre un voyage risqué vers ce qu’ils imaginent être le centre de la modernité triomphante. Et pourtant, de plus en plus d’individus et de groupes – des Afro-Américains des villes américaines, Palestiniens des territoires occupés, musulmans en Inde et au Myanmar, jusqu’aux réfugiés africains et moyen-orientaux des camps européens et demandeurs d’asile emprisonnés sur des îles reculées du Pacifique – sont considérés aujourd’hui comme superflus. Confinés de force dans des zones d’abandon, de rétension, de surveillance et d’incarcération, cette classe d’exclus remplit la fonction inestimable de « l’autre » redouté dans les sociétés inégalitaires. Ils sont à la fois les boucs émissaires des angoisses de classe et de race de nombreux individus précaires et la raison d’être d’une industrie croissante de la violence. En général, on assiste à une progression exponentielle de la haine tribaliste envers les minorités – pathologie principale de cette quête de boucs émissaires propagée par les chocs politiques et économiques – alors même que le maillage de la mondialisation ne cesse de se resserrer. Que ce soit dans les diatribes d’hommes blancs en colère ou les édits vengeurs des chauvinistes musulmans, hindous, bouddhistes et juifs, on se heurte à un machisme implacable qui ne cherche ni à apaiser ni à comprendre, encore moins à compatir au sort désespéré des populations les plus faibles. Celles-ci doivent aujourd’hui se soumettre, sous peine de mort, d’expulsion et d’ostracisme, aux idéaux fondamentaux de la tribu dictés par l’histoire de sa religion et de son territoire."

"Comme aujourd’hui, l’impression humiliante d’être soumis à une élite arrogante et perfide était largement répandue, sans considération de nationalité, de religion ou de race."

"Une panique latente couve, qui ne ressemble pas à la peur centralisée qu’inspire le pouvoir despotique. C’est plutôt le sentiment, engendré par les médias d’information et amplifié par les réseaux sociaux, que tout peut arriver à n’importe qui, n’importe où et à tout moment. L’impression que tout s’accélère et échappe à notre contrôle est aggravée par la réalité du dérèglement climatique qui nous renvoie l’image d’une planète assiégée par nous-mêmes."


Note de l'éditeur (Zulma): " L’âge de la colère, c’est une guerre civile mondiale caractérisée par deux traits majeurs : l’individualisme et le mimétisme appropriatif. Brexit, élection de Donald Trump, extrême droite omniprésente en Europe, nationalismes en Inde, en Turquie ou en Russie, terroristes islamistes, tueurs de masse… Les exemples ne manquent pas. Et les individus révoltés du XXIe siècle sont innombrables – un phénomène amplifié par les réseaux sociaux, les crises migratoires et une instabilité économique globale. Pour Pankaj Mishra, ces bouleversements ne sont pas le résultat de situations propres à chaque pays, encore moins d’un choc des civilisations. Il s’agit au contraire d’un mécanisme inhérent au modèle politique occidental accouché des Lumières – démocratie libérale et économie de marché – qui, depuis la chute du mur de Berlin, s’applique de manière brutale à des milliards d’individus. "

MARIE JOSÉ MONDZAIN

La page Marie José Mondzain sur Lieux-dits

EDGAR MORIN

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BAPTISTE MORIZOT

La page Baptiste Morizot sur Lieux-dits

LEWIS MUMFORD
La cité à travers l'histoire

Au dernier stade de son développement, la métropole est devenue le ressort essentiel qui assure le fonctionnement de cet absurde système. Elle procure à ses victimes l'illusion du pouvoir, de la richesse, du bonheur, l'illusion d'atteindre au plus haut point de la perfection humaine. En fait leur vie est sans cesse menacée, leur opulence est éphémère et insipide, leurs loisirs sont désespérément monotones, et leur bonheur pathétique est entaché par la peur, constante et justifiée, de la violence et d'une mort brutale. Ils se sentent de plus en plus étrangers et menacés par ce monde qu'ils n'ont pas construit, un monde qui échappe progressivement au contrôle des hommes, et qui, pour eux, a de moins en moins de sens.